+Brauer est un créateur de sculptures lumineuses, qui ont toutes pour propriété d’être des pièces uniques. Ses créations s’inscrivent dans le mouvement artistique appelé « Recycl’Art » (ou « Upcycling »), c’est-à-dire la pratique consistant à transformer des matériaux dont on n’a plus l’usage en œuvre esthétiques inédites. Le travail de +Brauer met en avant l’aspect pérenne des matériaux industriels qui ont vécu et qui sont marqués par la patine. Issus de fonds d’ateliers et de garages, de galetas poussiéreux et de caves oubliées, les pièces abandonnées renaissent pour nous entourer de leur présence bienveillante et de leur humanité étonnante. Ces robots sculptés dans ce que l’on juge être des déchets sonnent comme une résistance poétique à la surconsommation...

L’art de +Brauer sublime ces appareils — vulgaires et prosaïques — que nous ne regardons même plus, puisqu’ils seraient, paraît-il désuets et poussiéreux. On les achète, on les u(tili)se, on les vide de leur substance et on s’en débarasse ; mais, heureusement, +Brauer les ressuscite et démontre que leur apparente obsolescence contient, en fait, les germes d’un émerveillement.
C’est peut-être un des aspects que nous avons oublié des artefacts fabriqués par la société industrielle : ils ne sont pas à usage unique, mais récèlent une quantité de significations que seule la pratique des artisans moderne sait faire émerger. Regardez ces robots clinquants, lumineux : n’attendent-ils pas qu’un geste ou qu’une instruction pour se mettre à vibrer et nous prouver l’étendue de leur talent.
Le robot est la digne métaphore d’une société industrielle façonnée par la technologie, mais souvenons-nous que l’idée de « façonner » s’applique autant aux métiers de l’industrie qu’aux beaux-arts ; c’est ce qui est découvert par le Recycl’Art lorsque les artistes affiliés à ce mouvement remotivent des matériaux usagés dans un contexte esthétique original. Ils font d’ailleurs ce que les créateurs font depuis l’aube de l’humanité : ils empruntent des éléments au réel, les transforment et leur font atteindre une nouvelle dimension. Ce qui est fascinant chez +Brauer, c’est qu’il construit des robots avec d’anciens matériaux, tout comme les écrivains composent des robots littéraires avec d’anciennes idées. Autrement dit, littérateurs et artistes ont en commun d’offrir un nouveau de l’humanité (le robot de la science-fiction) ou à l’imaginaire robotique de l’homme (les sculptures de +Brauer).

Marc Atallah
Directeur de la Maison d’Ailleurs
Maître d’enseignement et de recherche à l’Université de Lausanne


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